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Il s’agit de la première enquête en France confrontant les approches de quatre « familles » de répondants : grand public, patients et proches, professionnels de santé, décideurs publics (élus de conseils régionaux) sur sur la schizophrénie.

Elle a été réalisée par la société de sondages OpinionWay pour les laboratoires Janssen en partenariat avec l’association PromesseS, la Fondation Deniker et l’Unafam. Notre association, premier partenaire sollicité, a été active dans le choix des publics ciblés, la méthodologie ainsi que la formulation et le choix des questions.

Au total 4 400 personnes ont été interrogées sur leur niveau de connaissance et leur perception de la schizophrénie (Voir la méthodologie ICI).

Une infographie  extraite de ce baromètre a fait l’objet d’un grand nombre d’articles dans la presse suite à la conférence de presse organisée par les Laboratoires Janssen en mars 2018.

Comme toute infographie, elle ne reprenait qu’une partie des résultats du sondage auxquels nous avions accès. En revenant sur les chiffres à la source du document, il nous a paru intéressant de communiquer des données complémentaires …. Elles sont reprises dans la synthèse suivante. Ces résultats interpellent, qu’on en juge …





La schizophrénie méconnue AUSSI ...
DES PROFESSIONNELS DE SANTE et  DECIDEURS PUBLICS


La lecture des résultats du baromètre de la schizophrénie met en lumière la méconnaissance de cette pathologie par le grand public, mais aussi et surtout, elle révèle celle des professionnels de santé et décideurs publics : si tous déclarent avoir entendu parler de schizophrénie, et pour plus de 80 % d’entre eux « savoir exactement ce que c’est », (sauf les pharmaciens pour lesquels le pourcentage tombe à 63 %), leurs réponses aux questions relatives à la prévalence, aux facteurs déclenchants, aux symptômes, ou encore à la prise en charge contredisent largement leurs déclarations.

Quelques exemples  :

> La prévalence de la maladie est largement sous-estimée : 5 % seulement du grand public sait qu’elle touche 1% de la population, mais c’est la méconnaissance des professionnels de santé qui est une véritable surprise : 61% seulement des psychiatres connaissent cette prévalence, et 15 % des généralistes et des pharmaciens ! Les conseillers départementaux n’indiquent quant à eux la bonne réponse qu’à 8 % d’entre eux

> L’âge de déclenchement de la maladie, à l’entrée dans la vie adulte est ignoré de 50 % du Grand public et 50 % des conseillers départementaux, mais aussi 42 % des pharmaciens et près de 20 % des médecins généralistes, et des infirmiers

> Le stress psychologique et environnemental est connu comme un facteur important de la maladie pour 80% des patients et 66% des proches. Il n’est reconnu que par 29 % des psychiatres, 31 % des généralistes.

> Les symptômes dit « négatifs », et les difficultés cognitives, qui sont très invalidants et affectent le plus la vie des personnes concernées, sont mal connus du personnel médical.

Ainsi les troubles de la mémoire ne sont reconnus comme symptômes que par 43 % des psychiatres, et des médecins généralistes interrogés, soit un pourcentage similaire à celui du grand public (45%)

La perte d’énergie, citée comme symptôme par 80 % des patients et 82 % des proches, ne l’est que par 62 % des psychiatres, 33 % des généralistes, 41 % des infirmiers ….

S’agit-il d’une conséquence ? d’un reflet la stigmatisation de la schizophrénie ? On est en droit de s’interroger lorsqu’on constate en lisant les réponses aux questions suivantes que les symptômes dit « positifs » sont eux très connus, et sont bien, aux yeux des professionnels des «marqueurs» de la pathologie.




Symptômes : la stigmatisation règne en maître


La partie du sondage traitant des symptômes associés à la maladie, est l’occasion de voir « remonter » tous les stéréotypes véhiculés dans le corps social. La stigmatisation s’affiche largement.


> « Dédoublement de personnalité »

Etrangement, les professionnels de santé ne sont pas à l’abri … des affirmations sans fondement scientifique. Ceci vaut en particulier pour le trop fameux « dédoublement de personnalité » qui est largement plébiscité par tous comme l’un des symptômes de la maladie : à 54 % par les psychiatres, 94 % par les médecins généralistes, 88 % par les pharmaciens, 75 % par les infirmiers, enfin à 92 % pour les conseillers départementaux.

Autre signe fort de la stigmatisation, le fait que la connaissance des symptômes soit extrêmement floue pour l’ensemble des échantillons, et qu’il règne une grande confusion entre schizophrénie, bipolarité et TOC. Cette incapacité à différencier les troubles se lit dans les réponses du grand public bien sûr, mais aussi d’un pourcentage non négligeable de professionnels de santé.

> Confusion avec la bipolarité

70 % du grand public assimile schizophrénie et bipolarité … mais c’est le cas aussi de près d’un médecin généraliste sur deux, d’un infirmier sur deux, plus de 7 pharmaciens sur 10. Le score de conseillers départementaux est le plus élevé avec près de 85 % de réponses erronnées.

> Confusion avec les TOCS (Troubles obsessionnels compulsifs)

Les TOCS sont cités au titre des symptômes de la schizophrénie notamment par 51 % du grand public, 44 % par les pharmaciens, mais aussi 25 % des psychiatres, et des médecins généralistes.


Schizophrénie = danger pour autrui


Le baromètre nous réserve encore bien des surprises puisque l’ignorance et la crainte sont patentes chez les personnels de santé de « proximité », pharmaciens et généralistes mais également même (bien que dans une moindre mesure) chez certains psychiatres.

En effet, concernant la perception de la maladie, on relève que le diagnostic de schizophrénie est associé à la dangerosité par 83% du grand public, 70 % des conseillers départementaux, mais aussi 31 % des psychiatres, 77% des médecins généralistes, 68% des infirmiers, et 90 % des pharmaciens.

Les ¾ des médecins généralistes et la quasi-totalité des pharmaciens craignent donc la dangerosité d’un patient souffrant de schizophrénie. Ou est le lien social et rassurant qu’il devrait trouver dans son environnement proche ? Comment s’étonner qu’ils ne consultent que très peu leur médecin généraliste, qu’ils évitent d’aller chercher leurs médicaments ?


Les pharmaciens particulièrement mal à l’aise


En effet, les questions ciblées font apparaître que 1 pharmacien sur 2 déclare n’être pas à l’aise pour initier un temps d’échange avec un patient atteint de schizophrénie. Pour 90% d’entre eux, c’est une maladie dangereuse qui entraîne des comportements agressifs et violents ; pour 97% cette maladie fait peur. 70% enfin ne savent pas vers qui se tourner en cas de question sur la prise en charge de cette pathologie. On comprend bien qu’ils ne sont pas en capacité d’orienter un malade ou un proche.


Prise en charge connue : essentiellement les médicaments


Pour la majorité des répondants la schizophrénie est une maladie chronique qui implique un traitement à vie. Bien prise en charge, elle permet d’avoir une vie normale. Un point de vue cependant moins partagé par le grand public : 54 %, contre 66 % pour les patients, 71 % pour les aidants et entre 73 et 85 % pour les professionnels de santé, selon les spécialités.

Au plan de la prise en charge, les traitements médicamenteux sont les plus connus ; Ils sont cités par 82 % du grand public et plus de 96 % des professionnels de santé et décideurs avec des variantes légères d’un échantillon à l’autre.

L’accompagnement psychologique, est cité ensuite par 60 % du grand public, 75 % des médecins généralistes, et plus de 80 % par les autres professionnels de santé. Pour près d’un quart des soignants, pas besoin d’accompagnement psychologique

En creux, cela signifie que 20 à 25 % des soignants ne font aucune place à l’accompagnement psychologique dans la prise en charge d’une maladie qui mène pourtant à de si nombreux suicides.


Psychoéducation : l’information ne circule pas

En ce qui concerne, les thérapies de psychoéducation, on constate un fort décalage entre la maîtrise du sujet déclarée par les psychiatres (elles sont citées par 91 % d’entre eux) et le faible pourcentage de prescription : elles sont connues de 53 % des patients et de 67 % des aidants.

Compte tenu du nombre infime de patients et de familles qui bénéficient dans les faits de ces thérapies indipensables au rétablissement, on peut en déduire que les psychiatres les connaissent mais ne les prescrivent pas, (par doute ou même à priori négatif sur leur place dans la prise en charge ?) ou bien qu’ils ne savent pas exactement de quoi il s’agit.


Perception de la schizophrénie : des univers qui ne se rencontrent guère qu’autour d’un terme : « maladie »


Que vous évoque le mot « schizophrénie » ?

> Pour le grand public, les élus et les proches, cela évoque la « maladie »

> Le grand public y associe la « folie »

> Les pharmaciens et les infirmiers citent l’expression « maladie psychiatrique»,

> Un élu sur 4 « le dédoublement de la personnalité ».

Patients et proches sont les seuls à parler «d’isolement » et de « souffrance ».  Cette souffrance semble ignorée de tous les autres, et ne pas venir à l’esprit des pyschiatres interrogés qui citent en premier le mot « psychose », puis « délire » et « maladie chronique ».

On cherche en vain dans les réponses des termes comme rétablissement, insertion, empowerment, réhabilitation psycho-sociale …


Impact de la maladie sur la vie de famille et souffrance extrême des malades, reconnus par tous.


L’impact de la maladie sur la vie de famille ainsi que la souffrance extrême des malades sont reconnus par tous, surtout par les professionnels de santé et les aidants.

La schizophrénie est une maladie grave et qui impacte la vie de famille pour 80% du grand public, 90% des professionnels de santé, 100% des aidants

La quasi totalité des patients (94%) reconnaissent l’impact de leur maladie sur leur vie de famille.

La souffrance extrême que cause la schizophrénie pour la personne malade et le fait qu’elle peut mener à un suicide sont reconnus par plus de 90 % des professionnels de santé.

Plus de 20 % du grand public ne le reconnait pas.


Les défis de la maladie : solitude et manque d’habileté sociale pour les patients


> Les défis énoncés par les patients sont surtout d’ordre relationnel (80 % citent des difficultés à se faire des amis/ garder le contact/ fonder une famille).

Ils expriment aussi largement les difficultés du quotidien notamment dans la gestion des tâches journalières et la motivation pour se mettre en mouvement et par conséquent trouver et garder un travail.

Ces difficultés, qui touchent un pourcentage élevé de personnes concernées, restent pourtant moins connues que les symptômes aigus qui alimentent les clichés sur la pathologie, et génèrent la mise à l’écart des personnes qui en souffrent.


>Pour les proches , les défis concernent essentiellement le positionnement à trouver vis à vis de la personne malade, ni trop près ni trop loin, prendre du recul, adopter la bonne posture, prendre les bonnes décisions et vis à vis de soi-même : surmonter l’angoisse, mettre en place un accompagnement adapté

Les réponses aux difficultés des proches, qui se trouvent en première ligne, pour accompagner les personnes concernées par les troubles schizophréniques, sont en grande partie accessibles dans des programmes de psycho-éducation, comme Profamille. Ceux-ci devraient être proposés systématiquement aux familles, dès la pose du diagnostic, or elles ne sont que 3 % à en bénéficier actuellement.


L’accès à l’information : sources diverses, constat d’insuffisance


Très majoritairement les personnes interrogées se considèrent mal ou très mal informées sur la maladie.

18% seulement du grand public et 29% des pharmaciens et conseillers départementaux se sentent bien informés sur la schizophrénie ; 1 médecin généraliste sur 2, 16% des patients et 17% des proches se sentent pleinement informés sur cette pathologie.

Les sources d’information privilégiées par les différents cibles sont variées : Le grand public s’informe en majorité avec des brochures sur la maladie ; les patients ont davantage recours à des témoignages de patients ou de familles. On relève que 81 % des proches cherchent l’information « à la source » en assistant à des conférences d’organismes de santé ; les professionnels de santé s’informent à 73 % par les articles et sur des sites internet spécialisés

Enfin les conseillers départementaux s’informent à 73 % en lisant la presse, ce qui peut expliquer leur très mauvais niveau de connaissance : cf étude lexicologique et de l’usage des termes « schizophrène » et « schizophrénie » dans la presse nationale française.


L’amélioration de la prise en charge et de l’inclusion sociale bloquée par l’ignorance


Si le niveau élévé de méconnaissance et de stigmatisation de la schizophrénie est bien connu, la découverte inquiétante des résultats de ce baromètre est que ce phénomène touche l’ensemble de la société. Il concerne tout autant ceux qui ont bénéficié d’une formation scientifique et médicale, et ceux qui assument des responsabilités publiques, ceux-là même dont on attend du discernement et un engagement sur la voie du progrès.


Des décideurs ignorants et stigmatisants

Concernant les décideurs politiques, leur ignorance et leur désintérêt pour le sujet, nettement perceptibles à la lecture de ce sondage, apparaissent comme le pendant de l’indifférence des pouvoirs publics à l’égard de la prise en charge des troubles psychiques en général et de la schizophrénie en particulier.

Pourtant, on ne peut pas dire que la sonnette d’alarme n’ait pas été tirée. Au fil des ans, les rapports publics (Robyllard, Laforcade … ) font très exactement le point sur cette inadmissible situation de retard de notre pays, qui mal-traite des centaines de milliers de malades en France ainsi que leurs familles. Exhaustifs, précis, traçant clairement le chemin de réformes à adopter, le scandale est qu’ils ne pas suivis d’effets.

Comment s’étonner encore de la médiocre qualité des soins en général, de leur misère en certains lieux du territoire. Comment s’étonner de l’hétérogénéité territoriale ? Comment se convaincre que la diffusion timide sur le terrain de bonnes pratiques mises en place par des équipes innovantes, est en voie d’accessibilité effective pour tous comme elle l’est beaucoup plus souvent hors de France ?


Quelle formation initiale, quelle formation continue pour les personnels de santé ?

A la lecture des résultats, concernant une maladie aussi répandue, on est interloqué par le niveau de méconnaissance des personnels de santé, notamment des médecins généralistes et des pharmaciens ; plus choqué encore par celui des médecins spécialistes : des psychiatres qui ne connaissent pas mieux la prévalence de la schizophrénie que les familles touchées, qui disent connaitre, mais ne prescrivent pas de thérapies de psycho-éducation en appui des traitements médicamenteux, alors qu’elles sont à ce jour reconnues comme indispensables au rétablissement des malades.


Quelle écoute des personnes concernées ?

Il est très regrettable enfin que la parole des personnes touchées, leurs témoignages directs ne soient pas suffisamment relayés pour faire évoluer les mentalités. Pourquoi ne sont-ils pas pris en compte pour enrichir la formation des professionnels de santé, comme les perceptions de la population générale ? Une prise de conscience, est en effet indispensable pour favoriser une vraie évolution des prises en charges : soins médicaux, accompagnement social de personnes qui souffrent.

Notre association PromesseS se félicite d’avoir participé activement à cette enquête, Elle poursuivra son engagement pour l’amélioration de la formation de tous ceux qui sont concernés, malades, proches, soignants, population dans sa globalité, comme des conditions de soin et de vie faites aux personnes touchées par la schizophrénie. Une prise en charge convenable des malades est possible vers le rétablissement, l’ignorance est un scandale.


Maintenant que nous savons que nous ne savons pas, bougeons !

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